Election - Quel avenir pour la CENI ?
La tourmente de Thierry Rakotonarivo amène à s’interroger sur le futur de la Commission électorale. Dès ses débuts, la crédibilité de cet organe constitutionnel est systématiquement, remise en cause par les politiciens.
Le punching ball des acteurs politiques. Une image qui résume la situation de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Depuis sa mise en place, durant la période de Transition, cet organe prévu par la Constitution est systématiquement chiffonné au gré des intérêts politiques. Les vrais problèmes qui plombent les élections ne sont, pourtant, jamais résolus.
À chaque débat ou problème inhérent au processus électoral, la CENI sert d’épanchoir pour les politiciens. Elle est systématiquement prise entre deux feux. Si ce n’est pas sa composition, c’est sa méthodologie ou ses décisions qui sont fustigées. Le fait que tous les courants politiques étaient représentés dans sa formation permanente n’a pas suffi à épargner la Commission électorale des tirs à boulets rouges durant la Transition, par exemple. À chaque période trouble traversée par la CENI, les exigences d’une recomposition fusent. Bien que ses membres aient été remplacés, les mêmes problèmes reviennent. Il y a ceux qui soutiennent qu’il faudrait réattribuer l’organisation des élections au ministère de l’Intérieur. Le manque de confiance envers cette entité, les suspicions qu’elle fasse systématiquement en sorte de faire gagner les tenants du pouvoir sont, cependant, les principales raisons ayant amené à la création de la CENI.
Dernièrement, la CENI s’est trouvée sous les feux croisés de différents bords politiques, après avoir révélé les anomalies concernant plus d’un million de cartes d’identité nationale (CIN). Une information qui agite l’arène politique. Il s’agit pourtant, d’un problème dont la Commission électorale n’est pas le premier responsable. Les rafales ont, cependant, été si intenses qu’il a fallu que la formation permanente de la Commission sacrifie l’un des leurs, dans l’espoir d’apaiser la situation.
Après une requête en destitution devant la Haute cour constitutionnelle (HCC) ratée, Thierry Rakotonarivo, vice-président de la CENI, a présenté sa démission, mercredi. Face à la presse, hier, maître Hery Rakotomanana, président de la CENI, a soutenu que la procédure de destitution « a été décidée de manière concertée », avec Thierry Rakotonarivo. Que « vue l’urgence », le bureau permanent de la Commission a décidé de ne pas appliquer « la lourde procédure », voulue par le règlement intérieur avant la saisine de la HCC. Cet empressement s’est fait dans un souci d’apaisement. Un point confirmé par Thierry Rakotonarivo, joint au téléphone. Les observateurs s’interrogent, toutefois, « maintenant que le fusible Rakotonarivo a sauté, qu’en sera-t-il de la suite ? ». Il n’est pas certain que cette démission suffise à taire les soubresauts politiques. Rien n’indique non plus, que cela aidera à redorer l’image de la Commission électorale.
Les polémiques politiques, du reste, occultent le fond de l’affaire que sont les anomalies. « J’espère que les responsables à tous les niveaux prendront les mesures nécessaires pour rectifier les failles du fichier électoral, mais aussi, toutes les autres anomalies », indique l’ancien vice-président de la CENI. L’administrateur civil souligne que le problème relevé dans les CIN démontre que « c’est l’état civil qui nécessite un redressement ».
À près d’un an de la fin du mandat des membres acteurs de la CENI, il est probable que certains songent à des retouches structurelles ou fonctionnelles de la Commission. Le vécu électoral démontre que ce colmatage n’est pas efficace. Les difficultés rencontrées par la Commission électorale et qui créent systématiquement des vagues durant les élections ne relèvent qu’en partie de l’administration électorale. Il y a une part de responsabilité de l’administration publique et des décideurs politiques.
La moitié du million de CIN avec des numéros similaires recensé, par exemple, date d’avant la révision systématique de la liste électorale de 2012. La CENI et les partenaires internationaux martèlent que la solution est de passer au système biométrique. Sur la lancée de l’alternance démocratique sans heurt depuis 2018, il pourrait être temps pour une réforme de fond du système électoral.