Destitution de Thierry Rakotonarivo - La HCC hérite de la patate chaude
La Haute Cour Constitutionnelle sera amenée à trancher sur le cas Thierry Rakotonarivo. Quelle que soit sa décision, elle pourrait faire jurisprudence.
Un cas d'école. La requête en destitution de Thierry Rakotonarivo, de son poste de vice-président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), est un des faits d'actualité qui tient en haleine l'opinion publique actuellement.
Cette requête engagée par maître Hery Rakotomanana, président de la CENI, devant la Haute Cour Constitutionnelle (HCC), place toutefois, cette institution dans une position délicate. La décision de la Cour pourrait faire jurisprudence autant sur la forme, que sur le fond.
Sur la forme, le fait que maître Rakotomanana s'en remette à la Cour d'Ambohidahy impose des questionnements chez une partie de l'opinion publique. Bien que la Commission électorale soit un organe constitutionnel, ce n'est pas une institution. Son président ne fait pas partie de la liste des personnalités habilités à saisir la HCC.
Une source avisée argue qu'outre l'application de son règlement intérieur, cette requête cadre avec la loi sur la CENI. Les articles 28 et 29 de ce texte prévoient la saisine de la HCC pour la destitution d'un des membres de la formation permanente de la Commission électorale. « Faute grave et violation de serment », font partie des motifs soulignés dans ces dispositions.
Sur le cas Rakotonarivo, la HCC pourrait alors faire une exception sur la recevabilité d'une saisine faite par une personnalité, en principe, non habilitée à le faire. La loi sur la CENI, d'autant plus, a passé le contrôle de constitutionnalité sans encombre, en 2015.
Certaines voix s'élèvent contre l'opportunité de ces motifs. La révélation de l'existence de plus d'un million de Cartes d'identité nationale (CIN), avec des numéros similaires est, en effet, le déclencheur de cette saisine devant la HCC. Un acte considéré de « faute grave et de violation de serment », visiblement.
« Est-ce que la publication d'une information d'intérêt général constitue une faute grave? », s'interrogent certains. Devant la presse, le 4 mars, Hery Rakotomanana a affirmé que cette information a été publiée par souci de transparence. Thierry Rakotonarivo, pour sa part, a plaidé, face aux journalistes, le 28 février, qu'il était question d'amener les responsables et les citoyens à prendre leur responsabilité et corriger les anomalies des Cartes d’identité nationale.
L'assemblée générale de la CENI aurait, du reste, décidé de mettre à disposition des citoyens, dans les bureaux des Fokotany, la liste des CIN ayant des numéros similaires. Une initiative actée plus de deux mois avant la conférence de presse du 28 février. « En quoi faire part d'une information vouée à être publiée constitue une violation de serment ? », est une question qui se pose dans les discussions de couloir.
La décision de la HCC sur la requête contre Thierry Rakotonarivo, pourrait alors tracer les limites de la transparence et de la redevabilité, face à la confidentialité. La procédure de destitution de son vice-président s'apparente, par ailleurs, à une manière de calmer les humeurs de la part de la Commission électorale.
L'information sur les CIN a, en effet, servi de munition aux querelles politiques. Prise entre deux feux, la CENI est une des principales cibles des critiques.
La crédibilité des élections qu'elle a organisé depuis 2018 est remise en cause par l'opposition. Dans sa décision, la HCC aura aussi, en tête ce paramètre. La Cour a adoubé tous ces scrutins et les élus, tout déclarant non fondé presque toutes les contestations.
Durant un échange, vendredi, Thierry Rakotonarivo a réagit à la requête pour sa destitution déposée à la HCC. Il concède que ses propos durant la conférence de presse du 28 février ont pu prêter à confusion notamment, « à cause des interprétations politiques ». Il soutient, néanmoins, qu' « il n'y avait aucune intention de nuire à quiconque ». Il ajoute que « comme l'indique la déclaration de la CENI, c'était dans un souci de transparence afin d'améliorer les choses. L'objectif était de sensibiliser les citoyens pour qu'ils vérifient leur cas auprès des fokontany. Je me plierai, toutefois, à la décision de HCC, quelle qu'elle soit ».