Anthropologie - Dr Alice Ranorojaona Pelerin primée à La Réunion

Le sens profond de la culture malgache. Vendredi prochain, à la Villa du Département, le Prix du Mérite du Département 2018 à l’île de La Réunion sera attribué au docteur Alice Ranorojaona Pelerin qui a mené une recherche médicale basée sur les rites traditionnelles malgaches.

« C'est avec un grand plaisir que je partage avec vous ma joie de recevoir le Prix du Mérite 2018 du épartement de l’île de La Réunion, qui me sera remis ce vendredi à 18h », annonce-t-elle fièrement dans une lettre. C’est le couronnement de son brillant parcours marqué par une thèse d’anthropologie qu’elle a soutenue le lundi 10 septembre 2018 à l’université du Moufia à Saint# Denis.

Son concept met particulièrement en lumière le sens profond des rites funéraires malgaches tels que le « famadihana » ou le « rasa hariana », des cérémonies de fin de deuil. Dr Alice Ranorojaona Pelerin a su montrer comment ces rites constituent un puissant facteur de remise en ordre après la mort, un des événements les plus dramatiques et les plus douloureux du parcours humain.« La particularité de cette thèse est de se préoccuper de certaines maladies pour lesquelles la pratique biomédicale ne trouve pas d’anomalie objectivable dans ses critères, donc il n’existe ni explication ni réponse. Celles que l’on désigne de manière un peu désabusée de psychosomatiques. Cette recherche a constaté que la personne concernée par cette situation ne trouve pas de sens à ses troubles, ou alors, leur attribue un sens péjoratif comme la sorcellerie, la malédiction, la possession, et autres », explique-t-elle.

« Plus exactement, j’ai émis l’hypothèse que ces pathologies sont en rapport avec des souffrances dans l’histoire de l’intéressé(e), voire dans celle de ses ancêtres. Selon cette démarche, il existe dans la réalité une consultation médicale une partie organique du ressort de la biomédecine, et une partie symbolique qui relève du domaine de l’anthropologie, de la science de l’humain, dans son sens le plus vaste», rajoute-t-elle.

C’est en s’appuyant sur sa propre histoire et sa culture malgache que Dr Alice Ranorojaona Pelerin a réalisé cette thèse. Et l’intitulé de son travail de recherche le prouve. « Joroterapia, un néologisme que j’ai créé à partir de trois mots malgaches, Joro, tera, pia. Il présente l’avantage d’avoir une double lecture : scientifique en français, qui signifie thérapie par le Joro, et symbolique en malgache. Joro est à la fois la racine du verbe mijoro, voulant dire se relever, se mettre debout, et il évoque aussi le rite de passage utilisé à Madagascar dans de nombreuses circonstances, dont celle pour apaiser des souffrances passées. Tera vient de teraka, qui veut dire né de. Et pia désignent les douleurs des tranchées correspondant aux contractions de l’utérus après l’accouchement. Le tout véhicule l’idée de se relever et de renaître après une souffrance », argumente-t-elle.

Cette pratique établit ainsi un pont, entre le monde scientifique et traditionnel et les cultures occidentale et malgache. « Ce choix a été fait de manière intentionnelle pour valoriser et mettre à sa juste place la culture malgache », conclut Alice Ranorojaona Pelerin. Joroterapia est une recherche entre l’anthropologie et la médecine.