Grippe: les freins à la vaccination des seniors scrutés par des chercheurs
Elles jugent cette vaccination inutile, craignent des effets indésirables: les personnes âgées, que la grippe peut tuer, ne sont pas assez vaccinées en France, en particulier les moins diplômées, celles ayant les plus bas revenus et vivant en zone rurale, montre une enquête publiée mardi.
"Très insuffisante", bien en-deçà de l'objectif de 75% fixé par les autorités sanitaires, et "marquée par les inégalités sociales et territoriales de santé": cette photographie de la couverture anti-grippe des 65/85 ans est analysée par Santé publique France au regard de la saison 2020/2021.
En métropole, 65,1% de ces seniors étaient alors vaccinés. Outre-mer, beaucoup moins: 39,4% à La Réunion, 38,1% en Guyane, 37,2% en Guadeloupe, 26,2% en Martinique, note l'agence à partir de données de son baromètre 2021 ### pour lequel 6.216 personnes de 65 à 85 ans ont été interrogées par téléphone dans l'Hexagone et 1.156 en Outre-mer.
Parmi les non-vaccinés, 1,7% des personnes ont déclaré spontanément avoir été "vaccinées" par de l'homéopathie ### or, il n'existe pas de vaccin homéopathique.
La situation s'est encore dégradée les années suivantes. Cet hiver, la couverture vaccinale contre la grippe ne dépassait pas 41% chez les personnes âgées d'au moins 65 ans à fin novembre, plus d'un mois après le début de la campagne de vaccination couplée grippe-Covid.
En ce mois de janvier, où sévit une sévère épidémie de grippe, parmi les personnes hospitalisées en réanimation dans toute la France, huit sur dix ne sont pas vaccinées.
En France comme ailleurs en Europe ### Grèce, Italie, Lituanie, Roumanie..., les taux de vaccination contre la grippe se sont améliorés l'hiver suivant l'apparition du Covid-19, avant de baisser à nouveau ### en France, il est même en-deçà de celui d'avant-pandémie.
Interrogés sur leurs raisons de ne pas se vacciner, les seniors concernés en métropole ont le plus souvent déclaré juger ce vaccin inutile (41,6%) ### comme en Outre-mer (32% à 39%), sans intérêt (9,6%) ou redouter ses effets indésirables (13,5%), selon l'étude. Seuls 5,9% s'y sont dits opposés.
Inégalités sociales et territoriales
Comme pour d'autres vaccinations, l'étude montre d'importantes variations révélatrices d'inégalités sociales: les personnes ayant fait des études (au moins bac+5) sont plus vaccinées (71,5%) que celles de niveau bac ou inférieur (64,3%), tout comme celles plus aisées (71%) comparé aux personnes aux revenus modestes (60,8%).
Les personnes âgées vivant dans de grandes agglomérations (69,1%), où "les risques d'exposition au virus sont plus importants du fait d'interactions sociales nombreuses", se font davantage vacciner que celles de milieu rural (62%).
Les seniors les plus âgés sont plus enclins à se faire vacciner (73,2% des 80-85 ans contre 55,4% des 65-69 ans), ceux ayant une maladie chronique (71,1%) qui les expose à une grippe sévère davantage que ceux qui n'en ont pas (57,8%).
Enfin, ceux vivant en couple (68,3%) sont plus vaccinés que ceux vivant seuls (59,7%), probablement "en raison d'une position altruiste" afin d'éviter de transmettre la grippe au conjoint, et les hommes (67,9%) davantage que les femmes (62,8%) ### une moindre vaccination féminine "déjà observée chez les professionnels des établissements de santé" dans le pays, rappelle SpF.
Par rapport au reste de l'Europe, la couverture vaccinale des seniors français était comparable, en 2020/21, à celles de l'Italie (65,3%), l'Espagne (68%), la Norvège (65,5%) ou les Pays-Bas (61,4%). Mais le Portugal (70%), l'Irlande (70,5%), la Grande-Bretagne (81%) ou les États-Unis (69,8%) faisaient mieux.
Pour l'Académie de médecine, la vaccination des seniors doit devenir un "objectif prioritaire de santé publique", car elle augmente "la durée de vie active et autonome", évite formes graves et complications des maladies, ainsi que le "déclin fonctionnel post-infectieux" notamment.
Actuellement, "le temps limité de la consultation médicale d'une personne âgée, déjà largement consacré au suivi de maladies chroniques", peut jouer "en défaveur de l'attention portée à la vaccination" par les médecins traitants, a-t-elle jugé jeudi, pointant aussi "l'isolement de certains seniors et le manque de coordination entre les différents acteurs de santé".