Procès Péchier: l'anesthésiste fixé vendredi sur la peine requise à son encontre
Décrit par l'accusation comme "l'un des plus grands criminels de l'histoire judiciaire française", il encourt la perpétuité, mais clame son innocence: l'anesthésiste Frédéric Péchier, jugé depuis trois mois à Besançon pour 30 empoisonnements dont 12 mortels, connaîtra vendredi la peine requise à son encontre.
Les deux représentantes du ministère public, Thérèse Brunisso et Christine de Curraize, ont poursuivi leur réquisitoire débuté la veille.
Elles s'efforcent de convaincre les jurés que chaque cas de cette "affaire totalement hors norme", marquée par "le tabou social du meurtre médical", est bien un empoisonnement et que "tout désigne" le médecin de 53 ans comme coupable.
L'accusé "n'est évidemment ni Guy Georges, ni Michel Fourniret, il n'en est pas moins un tueur en série", a insisté Thérèse Brunisso.
Qualifié de "menteur" et "manipulateur", Frédéric Péchier est un "criminel qui a utilisé la médecine pour tuer", ont martelé jeudi les deux magistrates.
Selon elles, le praticien a pollué des poches de perfusion avec du potassium, des anesthésiques locaux, de l'adrénaline ou encore de l'héparine, pour provoquer un arrêt cardiaque ou des hémorragies chez des patients pris en charge par des confrères. Son objectif: nuire à des collègues avec lesquels il était en conflit.
"Meurtre psychologique"
Il est aussi responsable du "meurtre psychologique" de ses collègues anesthésistes, traumatisés par la perte de leurs patients, a souligné Christine de Curraize vendredi matin à la reprise de l'audience.
Elle a évoqué avec émotion la descente aux enfers de l'anesthésiste Colette Arbez, qui a été à "sept reprises la cible de Frédéric Péchier", soit près d'un quart des empoisonnements présumés.
Ces incidents cardiaques à répétition mènent les collègues de Mme Arbez à "douter de ses capacités à prendre en charge ses patients", jusqu'à l'exclure des blocs opératoires pour la cantonner aux consultations ou aux interventions ophtalmologiques, moins à risque.
Mais même en ophtalmologie, un de ses patients, âgé de 79 ans, venu se faire opérer de la cataracte, décède. C'est le "coup de grâce" qui provoquera le départ définitif de la clinique du docteur Arbez.
Très affectée par la perte de ses patients, cette "femme pétillante et pimpante", qui approchait de la fin de sa carrière, "est devenue l'ombre d'elle-même", raconte Mme de Curraize. Elle "est partie du jour au lendemain, comme une malpropre".
Pour la magistrate, avec ce départ, Frédéric Péchier a atteint son objectif: "éliminer le docteur Arbez".
L'accusé imperturbable
Selon les deux avocates générales, qui se relaient toute la journée pour porter l'accusation, "les tueurs en série font toujours une erreur qui signe leur perte".
C'est le cas de l'accusé, estiment-elles, notamment lors du dernier cas qui lui est imputé, celui d'un patient de 70 ans empoisonné en janvier 2017.
Pendant leur exposé implacable, Frédéric Péchier est resté imperturbable, relisant ses notes, écoutant attentivement, aux côtés de sa sœur Julie Péchier et de Randall Schwerdorffer, ses deux conseils.
Depuis l'ouverture du procès, où il comparaît libre, il a admis qu'un empoisonneur avait bien sévi dans l'une des deux cliniques privées où il a travaillé, mais a constamment répété qu'il n'était pas cet empoisonneur.
A quelques jours du verdict ### attendu au plus tard le 19 décembre, après un procès long et "très fatigant", "je ne crains rien du tout", a affirmé jeudi Me Schwerdorffer.
Lundi, "on développera notre argumentaire en défense", pour plaider l'acquittement. "Je n'ai aucun doute que la cour d'assises écoutera cet argumentaire et j'espère qu'il sera entendu", a-t-il insisté.
Interrogé jeudi soir par les journalistes sur les mots des avocates générales, qui voient en lui un "serial killer", Frédéric Péchier a répondu de manière lapidaire: "C'est leur avis. On verra à la fin."


