Lutte contre le cancer : la pervenche de Madagascar inspire la médecine du futur
Utilisée depuis plus de 60 ans pour produire des médicaments anticancéreux, la pervenche de Madagascar reste une ressource précieuse mais limitée. Des chercheurs de l’Université de Tours, en France, ont mis au point une méthode innovante permettant de fabriquer ces molécules vitales grâce… à de simples levures de boulanger. Une avancée qui pourrait réduire les pénuries et rendre les traitements plus accessibles.
Une plante aux vertus thérapeutiques reconnues
Sous ses airs de fleur ornementale, la pervenche de Madagascar, ou Catharanthus roseus, est une plante médicinale de premier plan. Utilisée depuis longtemps dans la médecine traditionnelle, elle a surtout marqué l’histoire de la cancérologie avec la découverte, dans les années 1950, de deux molécules majeures : la vinblastine et la vincristine. Ces substances, appelées vinca-alcaloïdes, ont révolutionné la chimiothérapie en stoppant la prolifération des cellules cancéreuses et en permettant de sauver des milliers de vies à travers le monde.
Malgré leur efficacité, ces médicaments sont difficiles à produire. La plante ne contient que de très faibles quantités de ces molécules : une tonne de feuilles est nécessaire pour obtenir un gramme de vincristine. Ce faible rendement explique le prix très élevé de ces traitements, atteignant plusieurs dizaines de millions de dollars par kilo. De plus, cette dépendance à une matière première végétale a déjà entraîné des pénuries, notamment en 2019 et 2021, perturbant les soins de nombreux patients en France et aux États-Unis.
Créer de nouvelles molécules
Pour contourner ces obstacles, des chercheurs français se sont tournés vers un organisme inattendu : la levure de boulanger, utilisée depuis toujours pour fabriquer du pain et de la bière. Grâce aux techniques de biologie de synthèse, ils ont réussi à introduire dans la levure plus de 30 gènes de la pervenche de Madagascar, lui permettant ainsi de produire les précurseurs nécessaires à la fabrication des vinca-alcaloïdes. Ces résultats, publiés en 2022 dans la revue Nature, ouvrent la voie à une production plus sûre, indépendante des récoltes végétales, et potentiellement moins coûteuse.
L’objectif des chercheurs est désormais d’améliorer les rendements afin de passer à une production industrielle. Cette innovation ne se limite pas aux molécules issues de la pervenche : elle pourrait aussi concerner d’autres plantes médicinales, comme la pomme de mai, source d’un autre anticancéreux, ou encore permettre de créer de nouvelles molécules grâce à l’ingénierie génétique. Pour les patients, cela signifie un meilleur accès aux traitements, une diminution du risque de rupture d’approvisionnement et, à terme, des médicaments plus abordables. La pervenche de Madagascar conserve ainsi une place symbolique et scientifique majeure. Originaire de la Grande Île, elle a contribué à l’un des plus grands progrès médicaux du XXᵉ siècle.