SAMIFIN - La traque des capitaux illicites porte ses fruits
Le Service de renseignement financier (Samifin) enclenche la vitesse supérieure dans la traque de blanchiments de capitaux. Les chiffres dans son rapport 2023 montrent une valeur totale de 3.340 milliards d’ariary de flux financiers illicites.
C’est énorme. Un constat lâché par Mamitiana Rajaonarison, directeur général du Service de renseignement financier (Samifin), sur un ton dépité, hier, face au montant des Flux financiers illicites (FFI) détectés durant l’année 2023.
Le rapport d’activité annuelle du Samifin, pour le compte de l’année 2023, indique que le montant de flux financiers illicites détectés s’élève à 3.340 milliards d’ariary. Dans des mots plus communs, le FFI peut être qualifié de blanchiment de capitaux. Par rapport à l’année 2022, il y a un bond de mille milliards d’ariary. Pour l’année 2022, en effet, le rapport annuel du Service de renseignement financier a fait état de Flux financiers illicites de 2.390 milliards d’ariary. Ici encore, une hausse de 27% a été constatée, par rapport à l’année 2021.
Le constat est accablant. Durant les trois dernières années, le montant des blanchiments d’argent détectés par le Samifin est en hausse. À entendre son directeur général, il ne pourrait s’agir que de la partie émergée de l’iceberg. Selon ses dires, il y a encore des entités sources qui n’ont pas été “supervisées”, durant l’année 2023. Autrement dit, des entités qui, en principe, doivent partager ou dénoncer au Samifin toute opération ou flux financier suspect, ne l’ont pas encore fait.
Face à la presse, hier, Mamitiana Rajaonarison cite comme exemple des entités sources qui n’ont pas été “supervisées”, les casinos, les notaires, les avocats, les experts-comptables, ou encore les traders de pierres précieuses.
Dissuasion
La mission du Samifin est de mener la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme au niveau national. En principe, c’est sur la base du partage d’information et des dénonciations faites par les entités sources que le Service déclenche des investigations.
Toutefois, “la supervision”, implique aussi une saisine d’initiative par le Samifin. C’est-à-dire que le Service peut, de son propre chef, décider de déclencher des investigations sur un fait suspect. D’après son directeur général, la hausse constante du montant des FFI détectés ces dernières années, “résulte de l’amélioration des opérations de supervision”. Il est probable alors que cette tendance à la hausse se poursuive, puisque le Samifin compte renforcer cette “supervision”.
“Il est nécessaire de renforcer la supervision. Sans quoi, la lutte sera vaine”, souligne Mamitiana Rajaonarison. Pour l’année 2023, les cas de blanchiment de capitaux recensés se rapportent, dans la majorité des cas, à la fraude fiscale et aux fausses déclarations en matière d’exportation et importation. À l’issue des investigations, le Samifin “dissémine”, les dossiers bouclés auprès des entités ayant le pouvoir d’engager des poursuites, ou d’effectuer des recouvrements.
Aussi, en matière de fraude fiscale, sur la base des résultats des investigations du Service, la direction générale des impôts a procédé à des redressements fiscaux à hauteur de 93,6 millions d’ariary, assortis d’amendes de 37,5 millions d’ariary, l’année dernière. Pour les autres infractions se rapportant à la trésorerie publique, la direction générale du trésor aurait encaissé des amendes à hauteur de “50.000 millions d’ariary”.
Dix dossiers remis aux Pôles anti-corruption (PAC), ont conduit à la condamnation de cinquante-huit personnes physiques et de vingt-deux personnes morales. Des avoirs illicites d’un montant de “6 315,9 millions d’ariary”, auraient été ainsi recouvrés. À s’en tenir aux explications du patron du SAMIFIN, cependant, l’objectif du renforcement de “la supervision”, n’est pas juste de détecter les flux financiers illicites et de sanctionner les délinquants. L’idée est aussi d’avoir un effet dissuasif sur les délinquants financiers.
Le renforcement de “la supervision”, sera facilité par l’application des dispositions de la nouvelle loi sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, mise en vigueur au début du mois. Parmi les nouveaux dispositifs à concrétiser cette année est l’élaboration du “registre central des bénéficiaires effectifs”. Autrement dit, dorénavant, chaque entreprise, chaque personne morale devra déclarer la ou les personnes physiques qui sont bénéficiaires effectives de ses activités.