LUTTE ANTI-CORRUPTION - Le Premier ministre admet des progrès à faire
La nouvelle Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC) a été présentée officiellement, hier. Elle vise à résorber les failles et à renforcer la guerre contre ce fléau durant les cinq prochaines années.
Top départ. Après sa présentation officielle, hier, au Novotel Alarobia, la mise en œuvre de la nouvelle Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC) est enclenchée. Elle encadre la guerre contre ce fléau sur la période 2025-2030 et veut y apporter des améliorations impactantes.
Dans son discours à l’événement d’hier, Christian Ntsay, Premier ministre, concède en effet qu’il y a des progrès à faire dans la lutte contre la corruption. “Nombreux sont les efforts déployés et Madagascar est sur la voie du changement. Néanmoins, nous sommes tous conscients que la lutte contre la corruption dans le pays n’a pas encore atteint l’objectif escompté”, a-t-il déclaré.
“La fin de l’impunité et renforcer la répression de la corruption” sont les principaux objectifs de la nouvelle SNLCC lancée hier. Ils résument les failles à résorber et les efforts à déployer pour renforcer la lutte contre la corruption et les délits connexes. Ces deux points découlent de la synthèse des consultations d’évaluation de la précédente stratégie nationale de lutte contre la corruption qui a couvert la période 2015-fin 2024.
“La SNLCC n’a pas permis de renforcer le niveau de confiance du public. L’impunité demeure l’une des principales préoccupations et revendications de l’ensemble de la société malgache. Les sanctions pénales et disciplinaires infligées dans des affaires de corruption ne sont pas assez convaincantes aux yeux de la population”, résume les constats issus des consultations d’évaluation faites dans l’ensemble des régions, l’année dernière.
Les privilèges de juridiction, privilèges statutaires et immunités dont jouissent des personnalités étatiques, politiques et administratives sont pointés du doigt comme des facteurs d’impunité, notamment en matière de corruption et de délits connexes. Ces catégories de personnes sont pourtant dans les secteurs vulnérables à la corruption, notamment la grande corruption qui a un impact direct sur l’économie nationale.
Réformes
“La levée des immunités et privilèges pour les infractions de corruption et assimilées et le renforcement des compétences spécialisées auprès de la Cour de cassation demeurent des priorités importantes pour renforcer la répression de la corruption”, souligne alors la Stratégie nationale présentée hier.
Le document dit sans ambages que les immunités, ainsi que les privilèges statutaires et de juridiction, favorisent la corruption et sont un frein à une répression efficace et dissuasive de la corruption. Face à la presse, hier, Sahondra Rabenarivo, présidente du Comité pour la sauvegarde de l’intégrité (CSI), a pris l’exemple des quinze dossiers en suspens à la Haute cour de Justice (HCJ), faute de mise en accusation. Il s’agit d’un privilège de juridiction dont jouissent les chefs d’institution et les membres du gouvernement.
Pour engager des poursuites devant la HCJ, il faut préalablement que l’Assemblée nationale vote une mise en accusation. Jusqu’ici, tous les dossiers soumis à la Chambre basse à cet effet ont été bottés en touche. Les parlementaires, justement, jouissent d’une immunité. Les magistrats, les membres des Forces de défense et de sécurité (FDS), les douaniers ou encore les cadres et agents des postes, par exemple, jouissent des privilèges statutaires.
Sans une autorisation de poursuite signée par le ministre concerné, ceux qui jouissent des privilèges statutaires ne peuvent pas faire l’objet de poursuites judiciaires. La nouvelle SNLCC rappelle que la Constitution pose “un principe essentiel qu’est celui de l’égalité des citoyens devant la loi et devant la justice” et ajoute que les immunités et privilèges “ne sont pas la protection de la personne politique ou publique, mais se justifient par la nécessité de protéger la fonction”, sans quoi, il s’agit d’un abus d’immunité.
Selon Sahondra Rabenarivo, “le but est d’instaurer une culture d’intégrité et d’appliquer la loi de façon impartiale”. La nouvelle SNLCC prévoit ainsi la mise en place d’un comité ad hoc “pour harmoniser les textes et dispositions contradictoires relatives aux immunités, définir les modalités de demande d’autorisation d’enquête, réfléchir sur l’introduction des délais stricts de réponse, rendre systématique les poursuites en cas de silence de l’administration, faciliter la procédure de demande d’autorisation de poursuite (...)”.
Le document souligne aussi que “des réformes relatives à la loi organique sur la HCJ pour en extraire les dispositions constituant des blocages [mettant l’accent sur les procédures de mise en accusation] doivent également être prises”. L’accélération de la mise en œuvre des décisions de justice, notamment dans les affaires de grande corruption, est également mise en exergue. Ceci pour limiter la marge de manœuvre des accusés qui, souvent, trouvent les moyens de quitter le pays pour fuir la justice.