Des cartes aux rêves : L’odyssée artistique de Malala Andrialavidrazana
Avec « Figures », une fresque monumentale exposée au Palais de Tokyo jusqu’au 5 janvier 2025, Malala Andrialavidrazana déploie une décennie de travail sur les archives et les collages numériques. Une œuvre qui reflète son parcours singulier entre Madagascar et la France.
De l’architecture à l’art visuel
Malala Andrialavidrazana, née à Madagascar en 1971, a grandi sur la Grande Île, dont l'insularité a nourri ses rêves d'ailleurs. « L'insularité vous donne envie d'aller vers les autres », confie-t-elle. Comme elle l’a expliqué au journal Le Point, à l’âge de 12 ans, elle rejoint son père en exil en France, après une période marquée par des violences politiques. Cette séparation prolongée avec son père, puis les défis de l’intégration en France, ont profondément marqué l’artiste. Le parcours de son père, médecin contraint de se réinventer professionnellement dans un système d’accueil rigide, a également façonné sa sensibilité artistique et sa quête de justice symbolique.
Diplômée en architecture, Malala Andrialavidrazana choisit rapidement une autre voie pour explorer le monde : celle de l’art. Elle commence par la photographie, avec des projets comme « D’outre-monde » (2004), qui compare les rites funéraires à travers différentes cultures. En 2014, un retour aux archives familiales bouleverse son approche créative. Elle y découvre une carte ancienne de Madagascar datant du XVIIe siècle, ainsi que des billets de banque et pochettes d’albums de son adolescence. Ces trouvailles deviennent la matière première d’un nouveau projet, « Figures », où les cartes géographiques servent de support pour réagencer le récit de l’histoire mondiale.
Une fresque monumentale
Au Palais de Tokyo, Figures se déploie sous la verrière sur 60 mètres de long et 5 mètres de haut. Cette fresque monumentale, commandée par le commissaire François Piron, rassemble dix ans de collages numériques agrandis. L’œuvre combine des documents historiques variés : cartes coloniales, timbres-poste, peintures, archives muséales, mais aussi des éléments issus de dons ou d’amis proches. Avec humour et dérision, l’artiste y juxtapose figures historiques et culture populaire. Le maréchal congolais Joseph-Désiré Mobutu côtoie Spiderman, tandis que des paysages exotiques se mêlent à des clichés stéréotypés. La faune et la flore, omniprésentes, rappellent ses origines malgaches.
Au-delà de l’esthétique, « Figures » invite à une réflexion sur les rapports Nord-Sud et les circulations culturelles et humaines. Pour Malala Andrialavidrazana, ces collages sont une tentative de réorganiser un monde fragmenté, marqué par les inégalités historiques. « Je veux donner à rêver un monde où l’on peut circuler librement », explique-t-elle. Son œuvre témoigne également d’une mémoire personnelle : celle d’un père exilé, d’un système politique oppressif, mais aussi d’un désir d’ouverture et de dialogue entre les cultures.
Pour permettre aux visiteurs de s’immerger dans cette fresque complexe, le Palais de Tokyo propose un dispositif numérique interactif. Celui-ci permet de déplier les références historiques et artistiques de l’œuvre. Un livre, publié aux éditions Dilecta, accompagne également l’exposition. Visible jusqu’au 5 janvier 2025, Figures est une invitation à explorer l’histoire mondiale à travers le prisme d’une artiste au parcours unique, entre Madagascar et la France.