Lutte contre le mariage d'enfants à Madagascar : Entre traditions et pauvreté
Dans le Sud de Madagascar, une réalité préoccupante persiste malgré les efforts pour l'éradiquer : le mariage d'enfants. Ancrée dans la pauvreté endémique de la région, cette pratique illégale continue de priver de jeunes filles de leur enfance et de leur droit à un avenir prometteur.
Des chiffres alarmants
Les données du troisième recensement général de la population à Madagascar (RGPH3) sont sans équivoque : le pays se classe parmi les 20 pays présentant une forte prévalence de mariage précoce. Sur les 452 022 filles de 12 à 19 ans mariées, 21 010 ont été unies entre 12 et 14 ans. L'âge moyen au premier mariage est de 15,9 ans pour les filles, avec 46% d'entre elles mariées avant l'âge de 18 ans. Dans le Sud de Madagascar, le mariage d'enfants prend souvent la forme d'un arrangement traditionnel, mais illégal. Des filles sont promises en mariage à des hommes plus âgés, parfois même avant leur naissance. Ces unions sont souvent scellées par l'échange de zébu, des animaux culturellement importants pour la région, contre des adolescentes âgées à peine de 13 ans.
Un combat pour l'éradication
Conscientes de l'ampleur du problème, deux agences des Nations Unies, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et l'agence des Nations Unies spécialisée dans la santé sexuelle et reproductive (UNFPA), unissent leurs forces avec les autorités locales. Leur objectif : sensibiliser hommes et femmes aux dangers de cette pratique via des séances axées sur la masculinité positive. Lehilahy Modely, participant à l'une de ces séances dans le village d'Ifotaka, dénonce les violences à l'égard des femmes et des filles qui découlent de cette pratique. La violence économique combinée à la violation des droits des filles avant même leur naissance pose un défi majeur. Les familles, souvent pauvres et vulnérables, acceptent d'échanger leur fille à naître contre un zébu, symbole de richesse et de respectabilité.
Vers une masculinité positive
Les groupes de masculinité positive, organisés par l'UNICEF et ses partenaires dans dix villages de la région, jouent un rôle crucial. Lors de ces séances, les hommes discutent des différents types de violence perpétrés contre les femmes et les filles. Lehilahy Modely souligne que le changement doit venir des hommes eux-mêmes, acteurs de la violence et de la subversion. Les séances mensuelles incluent des discussions sur la manière de signaler les incidents de violence, contribuant à créer une prise de conscience collective. Bien que la lutte contre le mariage d'enfants ne soit pas gagnée d'avance, des signes positifs émergent. Certains hommes reconnaissent désormais la nécessité de changer d'attitude et de considérer les femmes comme égales. Les groupes de masculinité positive, accompagnés du soutien de l'UNFPA, ouvrent la voie à l'éradication d'une pratique culturellement acceptable mais profondément nuisible. En travaillant ensemble, la communauté internationale et les communautés locales tracent la voie vers un avenir où les filles du Sud de Madagascar pourront rêver d'un mariage basé sur l'amour et le respect, plutôt que sur la tradition et la pauvreté.