“Kabarim-behivavy” : une exposition-performance qui réclame justice pour les femmes, à l’AFT
À l’Alliance Française d’Andavamamba, le collectif Au chant des sirènes présente le 25 novembre 2025 prochain, une exposition-performance qui célèbre la force des femmes de l’océan Indien. Entre danse, musique, chant et arts visuels, “Kabarim-behivavy” revendique l’art comme un espace de résistance féminine, inspiré par la figure de la « zazavavin-drano ».
Le collectif Au chant des sirènes réunit quatre artistes : Magali Grondin de la Réunion, Faragasy d’Antananarivo, Chacha d’Antsiranana et Kuro d’Antananarivo. Leur histoire commence à Antsirabe, où Magali, Faragasy et Chacha se croisent par hasard, chacune venue pour un projet différent. « On s’est dit qu’il faudrait qu’on fasse quelque chose ensemble », confie Chacha. Lorsque l’Alliance Française d’Antananarivo lance l’appel à candidatures pour la Bourse à la création 2025, elles postulent. Leur projet est retenu parmi plus de trente dossiers : elles remporteront la bourse de 7.500.000 Ar ainsi qu’un accompagnement personnalisé. Pendant leur résidence à l’Alliance Française d’Andavamamba, les artistes tissent des liens, créent des œuvres et animent des ateliers pour le jeune public. Leur restitution, initialement prévue en octobre, aura finalement lieu le 25 novembre 2025.
Kabarim-behivavy : une provocation assumée
À Madagascar, le « kabary » est traditionnellement réservé aux hommes. Intituler leur exposition-performance « Kabarim-behivavy », est donc un geste volontairement provocateur. « On ne veut pas prendre la place des hommes, on prend la place », lance le collectif. Ainsi, le choix de l’intitulé n’est pas anodin. Le projet, appelé Au chant des sirènes à l’échelle régionale, adaptera peut-être son titre lors de ses futures tournées dans l’océan Indien. Mais à Madagascar, il était essentiel de revendiquer le terme « Kabarim-behivavy », et de donner voix aux femmes dans un format qui leur était historiquement refusé.
Le projet est pensé comme féministe, féminin et profondément écoféministe. « Pour moi, c’est déjà un acte écoféministe de choisir de travailler uniquement avec des femmes », explique Magali Grondin. Elle rappelle que les femmes de l’océan Indien portent de plein fouet les héritages de la domination patriarcale, coloniale et capitaliste : « Les femmes sont toujours les premières à souffrir des dérèglements économiques, sociaux, politiques. » La performance prend la forme d’une lettre adressée au patriarcat, un texte fort décliné sur scène par les trois artistes. Le corps, la voix et le geste deviennent des outils de dénonciation mais aussi de guérison collective.
La sirène malgache, symbole de résistance
La figure centrale de la création est la « zazavavin-drano », créature aquatique des mythes et rituels malgaches. En découvrant ces récits lors de ses voyages à Madagascar, Magali Grondin comprend leur puissance symbolique : « Ici, la sirène est vénérée. Elle apporte l’abondance. C’est une femme forte, qui part si elle est trompée. Ce n’est pas la figure occidentale de la femme mauvaise ou trompeuse. » Pour l’artiste réunionnaise, les sirènes de Madagascar, mais aussi de Mayotte ou de Hong Kong, forment un patrimoine féminin mondial. Elles deviennent un modèle : celui d’une femme libre, puissante, résiliente et protectrice.
Quatre artistes, quatre forces créatives
Lors de l’exposition-performance Chacha, danseuse et chorégraphe, apporte son langage corporel nourri de hip-hop, de contemporain et de traditions malgaches : « À travers mon corps, j’exprime ce que je vois dans la société ». Faragasy, chanteuse et multi-instrumentiste, puise dans les chants rituels et les langues vernaculaires. Elle joue notamment le steel pan fabriqué par son père, le musicien Ragasy : « La voix est un outil de soin, de mémoire et de libération », explique-t-elle. Magali Grondin, plasticienne, crée un espace visuel inspiré de matières naturelles : « L’ambiance sera très douce dans l’espace plastique, alors que le texte est beaucoup plus incisif. Il y a cette ambivalence ». Kuro, 20 ans, réalise une œuvre vidéo nourrie de ses enregistrements de la résidence, apportant une perspective jeune et ancrée dans le numérique. La scène deviendra un lieu d’immersion, entre rituel, poésie et engagement. Le public y rencontrera un univers où les récits des femmes, leurs luttes et leurs héritages sont remis au centre. Magali souligne aussi l’importance de défendre les causes queer et trans, trop souvent marginalisées : « Ce sont des personnes qui ne sont pas dans les normes. Il faut les défendre. »
Le collectif envisage de poursuivre la circulation de sa création dans la région océan Indien, avec des étapes envisagées au Mozambique, aux Comores, aux Seychelles, à Maurice et à La Réunion, en plus de Madagascar. La restitution de Kabarim-behivavy est programmée le 25 novembre 2025 à 18 h à l’Alliance Française d’Andavamamba.



