Crise humanitaire à Madagascar : 15 bureaux d’ONG internationales ferment leurs portes dans le Sud
Quinze bureaux d’organisations non gouvernementales (ONG) internationales ont cessé leurs activités à Madagascar, selon une note publiée le 27 octobre 2025 par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Ces fermetures interviennent dans un contexte de forte aggravation de la situation humanitaire, notamment dans le Grand Sud et le Grand Sud-Est, où la faim, la malnutrition et les épidémies atteignent des niveaux critiques.
Les départs de ces quinze ONG concernent principalement les districts du Grand Sud et du Grand Sud-Est, des zones où les besoins d’assistance sont parmi les plus élevés du pays. Selon OCHA, cette réduction de la présence humanitaire compromet la couverture des interventions dans des régions déjà durement touchées par les crises alimentaires et nutritionnelles. La fermeture de ces bureaux est en grande partie liée à une importante diminution des financements internationaux. Environ 96 millions de dollars américains, initialement prévus pour 2025, ont été suspendus ou réaffectés au début de l’année. Cette situation a fortement limité la capacité des acteurs humanitaires à maintenir leurs programmes de secours et de résilience.
Insécurité alimentaire accentuée
OCHA souligne que la crise actuelle résulte d’une « convergence de chocs » qui frappe durement 22 districts du Sud et du Sud-Est. Une sécheresse prolongée entre octobre et décembre 2024, exacerbée par le phénomène El Niño, a été suivie de graves inondations causées par les cyclones Honde et Jude en mars 2025. Entre février et mai 2025, des infestations de criquets migrateurs ont détruit une partie importante des cultures vivrières, accentuant l’insécurité alimentaire. Dans le Grand Sud-Est, une épidémie de paludisme sévit depuis avril 2025, aggravée par le manque d’eau potable et la dégradation des infrastructures de santé. Ces crises successives laissent peu de temps aux communautés pour se rétablir et accentuent leur vulnérabilité.
La malnutrition atteint aujourd’hui des niveaux alarmants dans le Grand Sud. Cinq districts ont déjà franchi le seuil d’urgence de la malnutrition aiguë sévère, tandis que plusieurs autres se trouvent en phase de crise. En un an, les cas de malnutrition aiguë sévère ont augmenté de 87 %, touchant désormais plus de 155 000 enfants, tandis que les cas de malnutrition aiguë modérée ont progressé de 46 %, passant de 274 500 à 402 400. Dans des zones critiques comme Ikongo et Amboasary-Atsimo, les taux de malnutrition aiguë globale avoisinent les 15 %, soit presque le seuil d’urgence fixé au niveau international. Ces chiffres traduisent une détérioration rapide de la situation nutritionnelle, avec un risque accru de mortalité infantile.
Crises climatiques, économiques et inégalités sociales
La situation alimentaire continue de se dégrader. Selon OCHA, environ 29 000 personnes se trouvent actuellement en phase 4 de l’IPC (urgence alimentaire) dans le Grand Sud. Ce chiffre pourrait quadrupler d’ici janvier 2026 pour atteindre près de 110 000 personnes. Sept des onze districts de la région sont déjà en phase 3 (crise), des niveaux normalement observés uniquement pendant la période de soudure. Les maladies aggravent encore cette situation. Le district d’Ikongo a enregistré plus de 45 000 cas confirmés de paludisme, à la fin du mois de juillet 2025, soit près d’un quart des cas recensés au niveau national. Cette recrudescence du paludisme, combinée aux maladies diarrhéiques et à la malnutrition, crée un cercle vicieux qui fragilise davantage les populations.
Les crises climatiques et économiques ont également accru les inégalités sociales et les violences basées sur le genre. D’après une étude de la Banque mondiale réalisée en juillet 2025, la prévalence des violences faites aux femmes reste élevée, notamment dans le Sud du pays. Les sécheresses répétées, les pertes de moyens de subsistance et les déplacements forcés ont renforcé la vulnérabilité des femmes et des filles face à ces violences. Madagascar figure aujourd’hui parmi les pays les plus touchés par la faim dans le monde, se classant au 124ᵉ rang sur 127 selon l’Indice mondial de la faim 2024. La fermeture des bureaux d’ONG internationales et la baisse des financements risquent d’accentuer une crise déjà qualifiée d’« alarmante » par les agences humanitaires. Dans le Grand Sud et le Grand Sud-Est, des milliers de familles continuent de lutter pour accéder à la nourriture, à l’eau potable et aux soins de base.


