En Corée du Sud, les séries crèvent l'écran au sens propre avec des lieux de tourisme bien réels
Dans l'arrière-pays méridional sud-coréen s'élève une cité du début du XXe siècle où se pressent de nombreux touristes, parfois émus aux larmes. L'endroit n'est pourtant pas un site historique d'une valeur inestimable, mais le vestige du décor d'une série populaire.
"A ce moment-là, ça m'a frappée: pour moi, ce n'était qu'un studio, mais pour eux, c'était bien plus", dit la guide touristique Sophy Yoon, se rappelant la première fois qu'un client s'est mis à pleurer à Sunshine Land.
L'idée que des touristes étrangers décident de payer une coquette somme et de s'éloigner de la capitale de plusieurs centaines de kilomètres, tout ça pour visiter le lieu de tournage d'un K-drama (série sud-coréenne), lui paraissait auparavant "insensée".
Toutefois, la culture coréenne, popularisée notamment par le boys band phénomène BTS, continue d'infuser dans le monde entier et touche également les adeptes du petit écran.
Des fans se rendaient déjà depuis longtemps en Corée du Sud pour marcher dans les pas de leurs idoles musicales et voir le dortoir de leur époque de stars en apprentissage, ou le set d'un clip vidéo.
Les lieux liés aux K-drama, contenus non-anglophones les plus regardés sur Netflix d'après les chiffres de la plateforme, sont aussi devenus prisés, prolongeant ladite "Hallyu", la diffusion rapide et importante de la K-culture en coréen.
Situé à Nonsan, à quelque 170 kilomètres de Séoul, "Sunshine Land" est un témoignage du tournage de "Mr Sunshine" (2018), l'histoire, agrémentée de romance, d'un Coréen emmené enfant aux Etats-Unis et revenu adulte dans son pays natal, à cheval entre les XIXe et XXe siècles.
D'un tram d'époque à la plus célèbre cloche bouddhiste du pays, le décor a repris les symboles d'alors.
"C'est comme quand on va sur les marches de la place d'Espagne à Rome où Audrey Hepburn a mangé une glace", affirme Mme Yoon, faisant référence au film "Vacances romaines" (1953) avec l'actrice vedette et Gregory Peck.
Pour les touristes, au nombre grandissant, "chaque porte, chaque mur a une signification (issue) d'un drama qui a eu un impact sur leurs vies", explique la guide, ajoutant qu'elle recevait de plus en plus de demandes pour ces "voyages K-drama".
"Deux boîtes de mouchoirs"
Le titre de champion culturel acquis récemment par la Corée du Sud "a contribué à l'attractivité du tourisme", confirme Kwak Jae-yeon, directrice de l'équipe "Hallyu" de l'Organisation coréenne du tourisme.
Le pays asiatique a accueilli 1,4 million de visiteurs en septembre, chiffre le plus haut depuis la pandémie de Covid et en progression de 33% sur un an. Plus d'un tiers ont dit s'être décidés "après avoir été exposés à des contenus de la +Vague coréenne+", selon un sondage de l'organisation datant de 2023.
Dans le quartier central de Jongno, à Séoul, les touristes comme Sookariyapa Kakij sont légion. Vêtue d'un "hanbok", une tenue traditionnelle coréenne, la femme de 40 ans raconte être venue de Thaïlande pour se rendre sur les lieux de tournage de ses séries favorites.
"Je veux trouver les endroits où Itaewon Class a été filmé", déclare-t-elle à l'AFP, à propos de ce K-drama de 2020 enregistré en grande partie dans le quartier séoulite dont il porte le nom.
Jennifer Zelinski, tombée dans la K-marmite grâce à "Crash Landing on You" (2019), confie à l'AFP qu'elle n'avait jamais quitté les Etats-Unis avant de décider, séduite par les K-drama, de se rendre en Corée du Sud.
"Je me suis fait tous les épisodes en une semaine. J'ai à peine dormi et fini deux boîtes de mouchoirs", se souvient-elle.
Éviter le "surtourisme"
Le secteur du tourisme redouble d'efforts pour être à la hauteur des attentes.
Sur la plateforme Klook, une agence assure que ses voyages dédiés à BTS affichent "complet jusqu'à février" et dit préparer des sorties consacrées à d'autres groupes.
Cependant, cette nouvelle forme de tourisme se concentre principalement sur Séoul, relève Ji Youn Jeong, professeure à l'université nationale Kyungpook, appelant à "développer les ressources touristiques liées à la culture contemporaine".
De fait, les régions rurales proposent plutôt des expériences autour des traditions.
Proposer des visites spéciales séries sur l'ensemble du territoire aiderait par ailleurs à éviter "le surtourisme qui peut déranger le quotidien des locaux" habitant les endroits rendus célèbres par les séries, souligne Lee Hoon, professeur à l'université Hangyang.
Emma Brown a par exemple choisi Pohang, ville côtière du Sud-Est connue avant tout pour son secteur de la sidérurgie, mais aussi décor de "When the Camellia Blooms".
Assurant que cette série d'amour sortie en 2019 a "changé (sa) vie", la trentenaire explique avoir abattu 8.800 kilomètres depuis l'Écosse car elle voulait "ressentir la série en vrai".