En Géorgie, élections locales décisives après l'arrestation de Saakachvili
En Géorgie, élections locales décisives après l'arrestation de Saakachvili
Les Géorgiens ont voté samedi pour des élections municipales cruciales pour le pouvoir, au lendemain de l'arrestation à son retour d'exil de l'ancien président Mikheïl Saakachvili, la principale figure de l'opposition.
Un sondage sortie des urnes réalisé par Ipsos Global pour la chaîne d'opposition Mtavari donnait 61,4% des voix aux partis d'opposition, contre 38,6% au "Rêve géorgien", le parti au pouvoir.
Un second sondage réalisé par Gorbi pour la chaîne pro-gouvernementale Imedi donnait 52,4% à l'opposition, et 47,6% au pouvoir en place.
Les deux camps ont déclaré leur victoire samedi après la fermeture des bureaux de vote à 16H00 GMT.
L'arrestation vendredi de la principale figure de l'opposition géorgienne, nouvelle étape de la crise politique touchant ce pays du Caucase depuis près d'un an, a accentué les enjeux du scrutin, perçu comme un test pour le Rêve géorgien, de plus en plus impopulaire.
En cas de défaite, le gouvernement pourrait être contraint d'organiser de nouvelles élections législatives, après celles d'octobre 2020 remportées de justesse par le Rêve géorgien, et dont la contestation a suscité cette crise.
Charismatique réformateur autant adulé que critiqué, Mikheïl Saakachvili, 53 ans, président de 2004 à 2013, est rentré secrètement vendredi dans sa patrie, après un exil de huit ans marqué par une autre carrière politique très agitée en Ukraine.
Dès son retour, il a été arrêté par les autorités géorgiennes pour une affaire d'"abus de pouvoir" pour laquelle il a été condamné à six ans de prison en 2018, qu'il juge politique. Il a nié tout délit, rejeté sa condamnation et a entamé une grève de la faim, selon le défenseur des droits géorgien.
"La Géorgie a besoin d'une transition pacifique avec une vraie démocratie où les opposants politiques ne sont pas jetés en prison sur la base d'accusations fabriquées ou forcés à l'exil", a-t-il déclaré samedi dans un message transmis à l'AFP.
"Je ne cherche pas de fonction politique, je suis simplement déterminé à me battre jusqu'au bout contre l'oligarchie qui tue la démocratie géorgienne", a-t-il ajouté, dans ces propos transmis par une personne qui lui a rendu visite en prison.
# "Capacité à combattre"
L'ancien dirigeant avait annoncé son retour en appelant à voter samedi pour le Mouvement national uni (MNU), le principal parti d'opposition dont il est le fondateur.
En face, Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012 et fondé par son grand rival Bidzina Ivanichvili, l'homme le plus riche du pays, espère asseoir une légitimité fortement contestée.
Le Premier ministre Irakli Garibashvili a défendu la décision d'arrêter Mikheïl Saakachvili. "Nous sommes tous égaux devant la loi, les dirigeants politiques comme les citoyens ordinaires", a-t-il dit.
Quant à l'élection, "je félicite notre parti et tout le pays", a-t-il lancé à des partisans. "Il est temps de mettre fin à la polarisation politique en Géorgie".
Le chef du MNU, Nika Melia, a lui assuré que "l'opposition gagne. Nous allons défendre chaque vote, afin que Rêve géorgien ne puisse pas manipuler les résultats des élections".
Le scrutin pourrait être suivi de manifestations, M. Saakachvili ayant appelé ses partisans à manifester dimanche dans la capitale Tbilissi.
"Ma liberté, et plus important, la liberté de la Géorgie dépendent entièrement de vos actes et de votre capacité à combattre," a-t-il tweeté samedi depuis sa prison.
Plus tôt dans la journée, Nika Melia avait accusé le gouvernement d'avoir acheté des voix et d'intimider des électeurs. Le Rêve géorgien a rétorqué dans un communiqué que le scrutin se tenait "selon les plus hauts critères démocratiques".
A 17H00 (08H00 GMT), la participation atteignait 41%, selon la Commission électorale, qui commencera à diffuser des résultats dimanche.
"Ce sera difficile pour le gouvernement de falsifier les résultats si la participation est élevée", estime Luka Samouchia, un peintre de 27 ans interrogé par l'AFP. Lui dit avoir voté contre Rêve géorgien. "Ils doivent partir."
# Crise politique
La Géorgie est plongée dans une crise politique depuis la dénonciation par l'opposition de fraudes massives aux législatives d'octobre 2020, remportées sur le fil par le parti au pouvoir.
En mai dernier, un accord sous la médiation de l'Union européenne prévoyait l'organisation de nouvelles législatives si Rêve géorgien emportait moins de 43% des voix samedi.
Toutefois, en juillet, le parti au pouvoir s'est finalement retiré de l'accord, suscitant les protestations de l'opposition de Mikheïl Saakachvili et des partenaires occidentaux de Tbilissi.
Dans cette ex-république soviétique habituée à l'instabilité politique, ces élections municipales sont surveillées de près pour déceler toute fraude ou signe de recul démocratique.
Ces dernières années, Rêve géorgien a été accusé de faire taire ses opposants et des journalistes par le biais de poursuites judiciaires. Interpol a refusé d'accéder à ses demandes de lancer un mandat d'arrêt contre Mikheïl Saakachvili.