Au Liban, la colère ne faiblit pas malgré les promesses du Premier ministre
Au Liban, la colère ne faiblit pas malgré les promesses du Premier ministre
Le nouveau Premier ministre Hassan Diab a averti mercredi que le Liban faisait face à une "catastrophe" économique, au lendemain de la formation de son gouvernement qui a attisé la colère de la rue.
M. Diab avait promis de répondre au mouvement de contestation en nommant un gouvernement de "technocrates indépendants". Mais pour les manifestants mobilisés depuis le 17 octobre, les nouveaux ministres sont des personnalités affiliées à la classe politique qu'ils accusent de corruption et d'incompétence.
Mercredi, des heurts ont éclaté près du siège du Parlement à Beyrouth faisant 22 blessés, dont sept ont été hospitalisés, selon un bilan de la Croix-rouge libanaise.
Les manifestants ont jeté des pierres et des pétards sur la police anti-émeute qui a répliqué en actionnant un canon à eau et tirant des gaz lacrymogènes, selon un correspondant de l'AFP sur place.
D'autres manifestants ont arraché des barbelés et tenté de parvenir au Parlement via les multiples entrées bloquées par des barrages des forces de l'ordre. Certains ont réussi à franchir l'une des entrées avant d'être rapidement repoussés.
Selon un photographe de l'AFP, des protestataires ont vandalisé deux boutiques de luxe dans un centre commercial, à proximité du Parlement.
"Nous ne donnerons aucune chance au gouvernement. Le processus de formation a révélé que (les dirigeants) n'ont rien changé à leurs pratiques" de négociation des quotes-parts partisanes et confessionnelles dans l'attribution des portefeuilles, a assuré une manifestante.
# "Défis immenses"
A Tripoli (nord), la deuxième ville du pays, des manifestants ont bloqué des routes tandis que les écoles sont restées fermées, selon une correspondante de l'AFP sur place.
"Nous sommes face à une impasse financière, économique et sociale", a reconnu M. Diab lors d'une première réunion de son gouvernement.
"En réalité, nous sommes face à une catastrophe et nous devons alléger l'impact et les répercussions de cette catastrophe sur les Libanais", a-t-il dit. Les défis sont immenses" et "les Libanais sont fatigués des promesses et des programmes qui restent lettre morte".
En trois mois de contestation, la colère n'a fait que grandir chez les manifestants qui réclament le renouvellement complet de la classe dirigeante quasi-inchangée depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), une amélioration des services publics quasi-inexistants et la fin de la corruption et du clientélisme.
La grave crise politique s'est accompagnée ces derniers mois d'une détérioration de la situation économique: licenciements en masse, restrictions bancaires drastiques et une perte du tiers de la valeur de la livre libanaise face au dollar dans les bureaux de change.
La nouvelle équipe gouvernementale se retrouve confrontée à une tâche titanesque, alors que le pays croule sous une dette avoisinant les 90 milliards de dollars (81 milliards d'euros), soit plus de 150% de son Produit intérieur brut (PIB).
# Les mêmes
"Concernant la situation économique, je le répète, cela fait partie de nos priorités", a dit mardi M. Diab après l'annonce de son équipe gouvernementale. "Il faut nous accorder un peu de temps".
Le gouvernement a été formé par un seul camp politique, celui du puissant mouvement armé du Hezbollah pro-iranien et ses alliés, majoritaires au Parlement, dont la formation Amal et le Courant patriotique libre fondé par le président Michel Aoun. Les partis soutenant l'ex-Premier ministre Saad Hariri ont refusé d'y participer.
Le nouveau gouvernement allie des ministres aux affinités partisanes, d'autres issus du secteur bancaire, mais aussi des universitaires et professionnels chevronnés. Parmi eux figurent des noms inconnus du grand public. Gebran Bassil, honni par les manifestants, a été remplacé aux Affaires étrangères.
En commentant le nouveau gouvernement, des experts ont parlé d'un "ravalement de façade" orchestré par les hommes politiques dénoncés par le mouvement de contestation.
"Malgré la présence de quelques figures authentiquement indépendantes et réformatrices, ceux qui ont géré la formation de ce gouvernement" restent les mêmes, estime le politologue Karim Bitar.