Elections en Turquie: le parti d'Erdogan mené à Ankara (résultats partiels)
Elections en Turquie: le parti d'Erdogan mené à Ankara (résultats partiels)
L'opposition en Turquie disposait dimanche d'une avance dans la capitale Ankara, dont la perte serait un camouflet pour le parti du président Recep Tayyip Erdogan, qui menait toutefois d'une très courte tête à Istanbul, selon des résultats partiels après d'âpres élections municipales.
Ce scrutin est un test pour M. Erdogan qui a jeté toutes ses forces dans la bataille pour éviter un vote sanction contre son parti, l'AKP, alors que le pays traverse une tempête économique avec notamment une inflation et un chômage élevés.
D'après l'agence de presse étatique Anadolu, le candidat commun des partis d'opposition CHP (social-démocrate) et Iyi (droite), Mansur Yavas, faisait la course en tête à Ankara avec 50,35% des voix contre 47,43 pour le candidat de l'AKP, après dépouillement de 88% des urnes.
Une défaite à Ankara, la capitale politique du pays où il s'est fait construire un gigantesque palais présidentiel, représenterait un revers inédit pour M. Erdogan qui a remporté toutes les élections depuis l'arrivée au pouvoir de son parti, l'AKP, en 2002.
Ankara et Istanbul sont contrôlées depuis 25 ans par le parti de M. Erdogan et les formations islamistes qui l'ont précédé.
A Istanbul, coeur économique et démographique du pays où M. Erdogan a dépêché comme candidat l'ex-Premier ministre Binali Yildirim, les résultats partiels indiquaient que la course se jouerait sur le fil du rasoir.
Après dépouillement de 97% des urnes, M. Yildirim était en tête avec 48,88% des voix, contre 48,50% pour son principal opposant Ekrem Imamoglu, selon Anadolu.
# "Pas d'élections avant 2023"
"Nous avons gagné des mairies et nous en avons perdu d'autres (…) Là où nous avons perdu, il va falloir accepter que nous n'avons pas été à la hauteur et accorder nos actions en conséquence", a déclaré M. Erdogan lors d'un discours dans la soirée à Istanbul, sans revendiquer de victoire ou concéder de défaite dans des villes spécifiques.
Rappelant qu'aucune autre élection était prévue avant 2023, M. Erdogan a déclaré que la période qui s'ouvrait serait consacrée aux "réformes économiques" et au combat contre le "terrorisme".
Agé de 65 ans, M. Erdogan n'aura pas ménagé sa peine pour tenter de convaincre les électeurs de voter pour son parti, tenant 102 meetings en 50 jours.
Si le chef de l'Etat a autant mouillé la chemise, c'est parce qu'une défaite "torpillerait le mythe d'invincibilité" dont il jouit, explique Emre Erdogan, professeur à l'université Bilgi d'Istanbul.
Le président n'a pas hésité à affirmer que la "survie de la nation" était en jeu dans ce scrutin municipal, appelant à "enterrer dans les urnes" les ennemis du pays et "donner une claque ottomane" aux adversaires de l'AKP.
Mais pour beaucoup d'électeurs, le sujet de préoccupation numéro un était l'économie, alors que l'inflation d'environ 20% a durement frappé les Turcs.
"L'économie est terrible, l'économie est finie !", s'est ainsi lamenté Hüsnü Acar après avoir voté pour l'opposition dans le quartier de Beylikdüzü, à Istanbul.
Conscient du problème, M. Erdogan a demandé le mois dernier aux mairies d'Istanbul et d'Ankara d'ouvrir leurs propres étals de fruits et de légumes pour y vendre à prix cassés.
Mais plutôt que de s'attarder sur les difficultés économiques, qu'il impute à une "opération de l'Occident", il a surtout fait campagne sur le terrain sécuritaire, décrivant un pays cerné par la menace terroriste et les puissances hostiles.
# Rixes
A Kasimpasa, un quartier d'Istanbul où il est né, M. Erdogan semblait pouvoir compter sur un soutien massif.
"La Turquie a de nombreux ennemis qui voudraient voir Recep Tayyip Erdogan perdre, mais nous ne laisserons pas cela arriver", a déclaré Sinan Kaya, un étudiant de 22 ans, après avoir voté.
Deux coalitions se sont affrontées aux municipales: d'un côté, l'AKP de M. Erdogan et ses alliés ultranationalistes du MHP. De l'autre, les sociaux-démocrates du CHP et le parti de droite Iyi.
Ces derniers sont soutenus par les prokurdes du HDP qui n'ont pas présenté de candidat à Istanbul et Ankara pour éviter une dispersion des voix anti-Erdogan.
La campagne pour ce scrutin, le huitième d'un épuisant cycle électoral entamé en 2014, a une nouvelle fois polarisé le pays.
"J'ai 57 ans, et je crois que c'était la pire (campagne), c'est comme si nous allions à une bataille", déplore Gönül Aydemir, une électrice croisée dans un bureau de vote à Istanbul.
Des rixes ont éclaté dans plusieurs bureaux de vote à travers le pays. Deux personnes ont notamment été tuées par balles à Malatya (est), selon les autorités, ajoutant que quatre personnes avaient été arrêtées.